Europe & International

30ème anniversaire de l'AMARC : vers une organisation mondiale forte et exigeante


Dimanche 15 Septembre 2013 23:00

Créée en 1983 au Canada, l'AMARC est la seule Organisation Non Gouvernementale (ONG) des radios communautaires et associatives à travers le monde. Elle développe notamment toute une série d'actions au bénéfice des radios locales des pays du Sud. Depuis deux ans, la gouvernance de l'AMARC a changé et sa modernisation est en cours.


Chaque semaine ou presque, une radio associative française fête son 30ème anniversaire, telles ces jours-ci Variance FM et Radio 4 Cantons. C'est également le cas pour l'Association Mondiale des Radios Communautaire, l'organisation internationale des radios associatives et communautaires, qui, à cette occasion, a organisé un colloque en août dernier à Montréal, siège international de l'organisation. Ce fut l'occasion, pour la présidente chilienne Maria Pia Matta, de faire un bilan sur l'évolution de la radio, et pour Emmanuel Boutterin, son Vice-président, de tracer les perspectives pour les trente ans à venir.

Nouvelle gouvernance, nouveau siège

Signe des temps, le siège mondial s'est installé il y a un an, sous l'impulsion du nouvel exécutif, au coeur de Montréal,à deux pas de l'Université. C'est le projet "2-22" : un travail collaboratif avec l' Association des Radios du Québec (ARCQ) et la radio CIBL. Il s'est agit de construire un immeuble sobre et moderne de béton et de bois, le "2-22", selon les normes écologiques, avec l'aide de la Ville de Montréal, du Gouvernement du Québec, du fonds de pension de la Confédération des Syndicats Nationaux du Québec, et... de deux millions de dollars de dons des auditeurs des radios communautaires montréalaises.

Amarc Acte II : « Relever les défis de la radiodiffusion locale, populaire, universelle et gratuite »

Avec ce rapport présenté en ouverture du Colloque, Emmanuel Boutterin a rappelé l'enjeu de l'orientation qu'entend prendre l'exécutif de l'AMARC. Voici l'essentiel de son intervention :

" Les nouveaux défis des radios et de leur organisation mondiale doivent être replacés dans un contexte mondial, celui -opérationnel- de l'émergence des radios communautaires partour dans le monde, et celui, institutionnel, de l'évolution des agences des Nations Unies sur les questions de la liberté de l'information et de la régulation politique de l'utilisation du spectre hertzien et des nouvelles technologies.

Pour la première fois, le sommet 2013 « WSIS + 10 » (10ème anniversaire du Sommet Mondial  pour la Société de l'Information, WSIS en anglais) s'est tenu en deux temps, à l'UNESCO à Paris en février 2013 et à l'UIT à Genève au mois de mai suivant. Pourquoi ces deux temps et pas un seul ? Parce qu'il y a des différences d'appréciation sur des valeurs fondamentales. Dix ans après la réunion de Genève de 2003, qui ouvrait le Sommet Mondial pour la Société de l’Information (SMSI) nous avons vu une évolution dans l'implication de ces deux grandes agences des Nations Unies.

Le SMSI a introduit au début de ce siècle une rupture dans la compréhension des changements liés aux TIC, notamment sur le développement de l’Internet, tout en s’intéressant aux médias plus traditionnels qui vivent des tensions et voient leurs modèles économiques bouleversés comme la radio et la télévision. Initiallement, l’organisation du SMSI a été confiée à l’UIT (Union Internationale des Télécommunications), par exemple au sommet de Tunis en 2005, tandis que l’Unesco de son coté avait souligné les limites de la notion de « société de l’information », parlant davantage de « société de la connaissance ».

2013 voit le grand retour de l’Unesco dans le débat, et l'AMARC ne peut que s'en féliciter. L'Unesco a placé le premier rendez-vous SMSI + 10 sous le signe des « sociétés du savoir , pour la paix et le développement durable ». Une évolution notable dans le choix des mots, qui dépassent le seul objectif de l’information et de la communication. L'AMARC y a animé une conférence notamment sur la liberté de l'information, le pluralisme des radios et l'accès au spectre (voir l'article que nous y consacrions en février dernier en cliquant ici).


La conséquence est que trois mois plus tard au Forum de Genève de l'UIT, les notions de diversité culturelle et linguistique, de liberté d’expression, de respect de la vie privée en ligne, défis éthiques et sociaux de la société de l’information, ont été abordés. L'UIT a souhaité que l'AMARC remette un rapport sur le rôle des radios communautaire et associatives, et sur leur accès au spectre à travers le monde.
 

L'AMARC a pris une place particulière dans le travail de ces deux agences. D'abord parce qu'elle est invitée à la fois par l'UNESCO et l'UIT, et qu'elle y anime d'un coté les sessions sur la liberté d'expression, la protection des équipes de nos radios, et de l'autre sur les médias communautaires, dont l'AMARC est rapporteur.


C'est l'immense acquis des trente premières années d'existence de l'AMARC, que nous pouvons appeler l'Acte I. C'est grâce à l'AMARC que la notion d'indicateurs de développement des médias, à été élaborée par l'Unesco, comme un des vecteurs du combat pour la liberté d'expression. C'est grâce à l'AMARC que les résolutions sur la protection physique des journalistes se sont étendues aux animateurs et collaborateurs bénévoles dans les radios en zone de conflit.

 


L'AMARC, avec les radios, doit passer à la vitesse supérieure

Quel est l'enjeu ? L'Assemblée générale de l'ONU va adopter en 2015 ses « principes-clés pour construire une société de l'information inclusive », sur proposition de l'Unesco et de l'UIT. Il s'agit d'éviter d'accroitre les disparités dans l'accès aux technologies, à l'information et aux services de télécommunication. L'AMARC est porteuse de recommandations concernant la radiodiffusion, pour que celle-ci ne soit pas le « média oublié ». Cela passe par la sécurisation des radios et de leurs équipes, leur financement, et l'accès à la ressource hertzienne.

 

La liberté d'expression ne doit pas être régulée par les fournisseur d'accès internet. Leurs intérêts économiques sont compatibles avec les conglomérats privés des télécoms, mais ni avec l'information gratuite, d'intérêt général et d'éducation populaire, ni avec la diversité culturelle et linguistique, portées notamment par les médias communautaires on air.


Deux fronts, trois exigences

Le Bureau exécutif de l'AMARC avec, au centre, Maria Pia Matta - Présidente, et Emmanuel Boutterin - Vice-président
Il faut défendre les radios sur deux fronts : celui des Etats qui refusent toujours de libérer le spectre pour les médias locaux et indépendants issus de projets citoyens d'une part, et celui de la bataille de l'hertzien d'autre part, pour éviter que les télécoms ne colonisent tout le spectre disponible.

 

Le travail de l'AMARC, outre celui de poursuivre la mission de renforcer les radios sur le terrain, c'est également de veiller à ce que les agences des Nations Unies portent les exigences des radios communautaires. Ce sont « Les Trois Exigences » présentées par Emmanuel Boutterin lors du 30ème anniversaire :

 

préconiser des législations nationales en faveur des médias communautaires, notamment des radios on air, au motif de leur utilité d'intérêt général pour les citoyens, du pluralisme et de la diversité culturelle et linguistique ;

 

renforcer les autorités de régulation, indépendantes des télécoms, des pouvoirs économiques et politiques, et renforcer leur action en faveur du secteur des médias communautaires, à égalité avec les secteurs commercial et public ;

 

promouvoir la sécurité et la gratuité de l'accès au spectre pour les médias communautaires, dans les bandes historiques de la radio et sur des nouvelles ressources hertziennes prévues pour la radio numérique terrestre.
 

C'est dans cette perspective que les moyens opérationnals de l'AMARC vont être renforcés avec, en perspective directe, l'embauche d'un nouveau Secrétaire Général dont vous trouverez l'offre d'emploi en cliquant ici.
 

Selon Maria Pia Matta et Emmanuel Boutterin, l'AMARC est en ordre de bataille pour exiger une place équitable de tous les éditeurs sur le spectre, partout dans le monde. L'Assemblée Générale 2015 de l'ONU verra l'examen des premiers résultats des Objectifs du Millénaire, et les deux agences, UIT et UNESCO présenteront les recommandations du SMSI. L'AMARC entend bien y faire valoir les droits de nos radios et de leurs auditeurs...