Un syndicat les bras ouverts
Emmanuel Boutterin, président du SNRL, et Jean-Marc Ayrault, député-maire de Nantes, président du groupe socialiste à l'Assemblée Nationale
C'est à Nantes, l'une des cinq communes de France faite « Compagnon de la Libération » pour actes de résistance, qu'est née la première liaison radio entre la France et Londres. Quelques jours plus tard, en janvier 41, l'auteur de cette prouesse technique souhaitée par le Gal De Gaulle, Honoré d'Estienne d'Orves, polytechnicien, officier des Forces Navales Françaises Libres, est arrêté. Il sera exécuté. Aragon dans « La Rose et le Réséda » en fait un symbole en faveur de l'abstraction des différences au profit de l'action juste.
C'est bien cet esprit qui a guidé le Congrès du Syndicat National des Radios Libres. L'affluence, la présence, les encouragements de professionnels de tous horizons, les interventions remarquables de Jean-Marc Ayrault, Jacques Auxiette et Patrick Mareschal (1), ainsi que les commentaires de la presse écrite, radio et télé ont fait de Nantes la capitale de la radio. Les contributions de Hughes Vidor (2) de Bernard Broyet (3) et de Yannick Barbançon (4) ont souligné l'ancrage de la radiodiffusion associative dans le paysage audiovisuel et dans l'économie de notre pays.
Un ministre absent , une volonté politique qui fait défaut
Après l'inauguration lors du Congrès, par Rachid Arhab et Alain Méar du premier multiplexe associatif et indépendant en radio numérique terrestre, François Fillon nommait David Kessler en charge d'une mission sur la RNT. Ce n'est pas un hasard après la mise en garde énergique des deux sages du Conseil Supérieur de l'Audiovisuel sur l'avenir de la radio.
La presse a qualifié le Ministre de la Culture de « grand absent » au Congrès des Radios Libres. Après avoir déroulé le tapis rouge à une poignée de groupes radiophoniques, après avoir dédaigné entendre les radios locales et indépendantes, Frédéric Mitterrand, pusillanime, n'a pas donné au syndicat toute la place exigée au sein de la commission du Fonds de Soutien à l'Expression Radiophonique. Ainsi donc, comme le note la presse, la plus importante organisation professionnelle de la radio, dont les compétences et les capacités d'innovation sont attestées, est inconsidérément contournée, et avec elle, la majorité de la profession.
A force d'ignorer les radios locales et indépendantes et les réseaux multivilles, le Ministre, faute de courage, n'a-t-il pas d'ambition pour la radio ? Cette attitude est-elle celle d'un ancien monde, frileux, dénué de volonté politique ? Le Ministre préfère-t-il confier la maîtrise des évolutions technologiques aux télécoms ? Souhaite-t-il le progrès économique, les créations d'emploi et un grand dessein populaire pour la radiodiffusion tel que l’incarnent les radios libres ?
Les décisions et l'absence de celles-ci engagent l'avenir dans tous les cas
Alain Méar et Rachid Arhab inaugurent le 1er multiplexe opérationnel multinormes d'Europe incluant le DAB+
La mutation numérique exige des décisions qui engagent l'avenir. Avec leur syndicat, les radios associatives nantaises du GRAM (5) ont fait un choix courageux en alliance avec des radios commerciales telles FG Radio, Oui FM, Hit West, TSF Jazz, Radio Crooner et LCI Radio, et avec Radio France Internationale. Elles ont lancé le premier multiplexe multinormes d’Europe. Lorsque les Sages ont allumé l’émetteur au sommet du « Sillon de Bretagne », le ciel n'est tombé sur la tête de personne. Notre planète était jadis tenue pour plate, mais personne n'a jamais basculé dans le vide.
En dépit des préventions du Ministre, nous persistons en affirmant que ne pouvons pas vivre une révolution technologique et prétendre la réduire à une vision commerciale. Souvenons-nous que l'avenir ne se prévoit pas et il n'émerge pas du néant : il se construit, notamment par des décisions humaines et par des impulsions politiques. Celles de la puissance publique sont nécessaires en matière de radiodiffusion comme ailleurs, pour autant qu'elles puissent être adoptées avant qu'il ne soit trop tard. Avant que ceux qui ont vocation à agir en ministres ne soient acculés à une fonction de préposés des télécoms. Si nous n'y prenons garde, ceux-ci confisqueront les activités de ceux qui avaient normalement vocation à les exercer. Il est indispensable de faire le tri entre les propositions conjoncturelles et celles qui engagent l'avenir de la radiodiffusion. En visioconférence à Nantes, Catherine Trautmann, l'ancienne Ministre de la Culture, actuelle vice-présidente de la Commission de l'Industrie et de la Recherche au Parlement Européen et rapporteur de la Loi « Paquet Télécom » sur le dividende numérique a mis en cause les choix technologiques hasardeux et a souligné l'importance des contributions du syndicat dans les consultations publiques européennes.
Construire ensemble l'avenir de la radio
Comme l'a noté au Congrès Jean-Marie Charon, sociologue des média au CNRS, la nécessité de disposer de médias de proximité fiables et sérieux n'a jamais été aussi impérieuse. Il faut toutefois casser les vieilles prisons des malentendus. Jean-Jacques Cheval, maître de conférences à Bordeaux III l’a remarquablement dit : la radio n'est un obstacle pour aucun média, notamment électronique, et ceux-ci peuvent être des outils majeurs pour la radiodiffusion.
Il faut réussir la combinaison entre innovation technologique, évolution de la gouvernance des médias de proximité que sont les radios, et gestion innovante des équipes professionnelles et bénévoles. Il faut toutefois sortir d’une approche exclusivement financière. La performance de chacune des pratiques radiophoniques, prise isolément, ne fait pas consensus. Soit elle est uniquement axée sur le marché, combinaison hasardeuse de l'audience et de la valeur aléatoire de la publicité, soit sur les modèles de financement du service public. Prenons en compte la complémentarité des pratiques et nous construirons ensemble l'avenir de la radio. Les radios associatives et commerciales sont exposées à des risques et elles ne peuvent pas les assumer seules : c'est pourquoi des politiques publiques de long terme et cohérentes, sont indispensables pour améliorer la gestion de ces risques et garantir le pluralisme.
Vers une alliance globale de la radiodiffusion
This browser does not support the video element.
C'est ce que le syndicat propose aujourd'hui avec la consultation lancée par Nathalie Kosciusko-Morizet, destinée à identifier les projets répondant au programme du grand emprunt dédié au numérique. C'est aussi ce que le syndicat propose au monde de la radio, avec le souhait d'une alliance globale de la grande famille de la radiodiffusion.
AlterNantes FM, Eur@dioNantes, Fidélité, Jet FM, Prun' et SUN : les radios associatives de Nantes réunies au sein de la FRAP (6), leurs équipes de professionnels et de bénévoles ont admirablement accueilli les 274 congressistes et leurs invités. Nous avons une conviction : leur union, leurs compétences et leur capacité d'innovation, ont démontré qu'une alliance globale en faveur de la radio universelle et populaire était le chemin. Que leurs équipes soient remerciées au nom de toutes les radios de France.
(1) respectivement Député-Maire de Nantes, Président du Conseil Régional des Pays de la Loire et Président du Conseil Général de Loire-Atlantique
(2) vice-président de l'Union des syndicats d'employeurs de l'économie sociale (USGERES)
(3) vice-président de la Fédération des Entreprises du Spectacle, de la Musique, du Cinéma et de l'Audiovisuel (FESAC) et président de la Commission Nationale de la Formation Professionnelle de l'Audiovisuel,
(4) Président du Conseil National des Chambres de l'Economie Sociale (CN-CRES)
(5) Groupement des Radios Associatives de la Métropole nantaise
(6) Fédération des Radios Associatives en Pays de la Loire